samedi 31 janvier 2015

LE PARALLÈLE PARNASSIEN - LA MATIÈRE RAPOLOGIQUE

Apollon et les muses sur le Mont Parnasse, par Pierre Brebiette (1598 -1650)


Cet article fait écho à celui du mois dernier, dans lequel j'ai abordé la consommation musicale à travers les processus de production propre à l'industrie et ses modèles économique. En établissant aujourd'hui un parallèle entre le rap et la poésie, et plus particulièrement le mouvement parnassien, je vais essayer de faire ressortir différentes façons d'aborder le rap et plus largement l'objet musical.


En associant le rap à la poésie, n'en déplaise à certains, on dispose de plusieurs siècles d'étude de la rime et de ses nuances. 
Construits puis déconstruits, les mots, leurs associations et leurs enchaînements, ont étés pensés, manipulés, étudiés, débattus.



"Ils tentent d'étouffer notre art faut être honnête
Ils refusent de reconnaître qu'en ce siècle les rappeurs sont les héritiers des poètes"

Kery James, A l'ombre du Show business (2008)
Le texte entier peut se lire en parallèle avec le 
poème de Victor Hugo la fonction du poète (1840)



Le mouvement parnassien (dont le nom fait référence au Mont Parnasse, en Grèce, associé à Apollon et ses 9 muses, le dieu des poètes et plus encore) est une mouvance poétique du 19ème siècle qui se caractérisait par le rejet du lyrisme et de l'engagement social et politique de l'artiste. Prônant l'impersonnalité et le refus du "je", le mouvement parnassien se définit autour d'outils rhétorique et de figure de style, souvent la métaphore, pour travailler la "matière poétique".

Le concept de matière poétique est intéressant dans la mesure où celui-ci offre une existence métaphysique à la construction lyrical, permettant ainsi une appréciation esthétique plus profonde de la technique. Ainsi, l'artisanat poétique, les structures textuelles et le son des mots sont autant d'aspects de la poésie qui contribueront à la beauté d'un morceau.

Fort de métaphore, ce mouvement définit le beau par la danse des images et la mélodie des mots, en dehors de tout revendications ou émotions personnelles.


"Les dieux eux-mêmes meurent, 
Mais les vers souverains 
Demeurent
Plus forts que les airains."

Théophile Gauthier, l'art (1852)



Si j'ai choisis le mouvement parnassien dans le cadre du parallèle entre la poésie et le rap, c'est justement parce que cette "matière poétique" peut-être transposée en "matière rapologique". Certes l'impersonnalité se fait rare dans les textes de rap, mais le rejet de l'engagement social et politique existe bel et bien.
Certains définissent la force d'un morceau aux thèmes qu'il aborde, aux vérités qu'il met en lumière. Ainsi, une catégorisation des morceaux relatives aux engagements de l'artiste peut s'effectuer, consciemment ou inconsciemment, de tel façon à ce qu'une hiérarchie latente formate les écoutes de chacun. Mais en changeant de perspective d'écoute, en basculant sur une vision parnassienne du rap, on pourrait être amener à apprécier la force d'un morceau à travers sa structure et sa technique.

On en revient de cet manière à la théorie de l'art pour l'art, qui dépolitise tout oeuvre et oppose le beau à l'utile tout en jouant du matérialisme de la chose artistique. Vouloir s'affranchir de la morale en donnant une certaine autonomie à l'art, comme un libre-arbitre.

Là où le parallèle est intéressant, c'est que le rap à beaucoup de difficultés à se faire reconnaître en tant qu'art. Le rappeur est souvent considéré, au mieux, en tant que porte-parole des classes populaires.

Considérer la "matière rapologique" c'est se libérer des codes du rap, des critères de bon ou mauvais, de vrai ou de faux, de l'industrie et des médias. Tout ceci en s'offrant des perspectives plus profondes, puisqu'il serait possible d'apprécier un morceau indépendamment de l'image, du marketing.
C'est apprécier un morceau comme une sculpture, en y remarquant les assonances et les allitérations, individuellement, puis globalement. Ce maniement des mots, associés aux métaphores caractériserait le beauté d'un morceau.


L'art pour l'art(isan) ?


Concernant les intentions des créateurs, le parallèle parnassien est également intéressant. En effet, si, aujourd'hui, le but ultime est le consommateur, ceci peut changer si l'on entend bien la matière "rapologique". Dans la mesure où l'effort, le travail, l'exercice de l'art(isanat) des mots caractérisent la beauté du morceau, l'auditeur ne pourra accéder à cette potentielle beauté sans les outils nécessaires à sa compréhensionC'est certes une démarche quelques peu élitiste, mais à mon sens plus valorisante pour le rap en général.

Sans des connaissances en la matière, l'essence même du morceau, attaché au culte de sa propre forme, reste caché à l'oreille du profane. Seul les auditeurs érudits, studieux et soucieux, peut-être eux-mêmes des artistes, ont les clefs pour reconnaître la pertinence de l'effort, un peu comme un morceau de Lino.



Ainsi s'achève le 33ème article de ce blog. 
En attendant le suivant, rejoignez-nous sur


1 commentaire:

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