lundi 15 avril 2013

Comment juger de la qualité d'un artiste ?



Honnêté, Vérité,
Ou comment juger de la qualité d'un artiste


Si dans le précédent article j'ai fait la distinction entre le rap subversif et le rap divertissant (qui relève du divertissement), il est intéressant de chercher pourquoi cette coupure ne se résorbe pas. Il est regrettable que deux corps appartenant au même mouvement s'opposent, pire s'affrontent.

Il est cependant nécessaire de comprendre ce rap dit du divertissement, que certain appelle le gangsta rap, d'autre le rap commercial (commercial signifiant que le processus de création à été conditionné dans l'optique de vendre un maximum, et pas que de la musique). Celui-ci est l'illustration de l'évolution du capitalisme comme Michel Clouscard l'avait prédit à travers notamment son analyse du Freudo-Marxisme. En effet, Michel Clouscard, dans le capital de la séduction, décrit un capitalisme de classe, introduisant une vie consumériste comme conditions de réussite sociale mais nécessitant de se soumettre intégralement aux règles du marché. Le travail de Michel Clouscard étant aussi considérable qu'intéressant, je vous conseille de vous renseigner sur celui-ci.(Ils existent un documentaire sur Clouscard " Tout est permis, rien n'est possible").

Ces artistes célébrant le sexe, la drogue et le matérialisme comme autant de marques de réussite ne sont que l'instrument de leur marginalisation. Le rap ne sortira pas de ses clichés tant que les artistes les plus médiatisés les entretiendront.
 La vision extérieur du rap ne s'améliorera pas tant que celui-ci sera prisonnier de ses clichés, puisque la caricature est pour les médias de masse le moyen le plus simple de manipuler l'opinion publique auprès de ceux qui ne font pas le travail intellectuel pour s'en détacher.
Or, si le point de vue de l'extérieur ne change pas, si les "spécialistes" du rap français, type Skyrock, validés par le pouvoir en place ou par la majorité ne font pas un travail de déconstruction de l'image publique du rap français, il sera impossible pour la scène subversive d'avancer puisqu'elle ne sera pas prise au sérieux.

La finalité de la subversion c'est de ne plus être

En effet, la subversion c'est, si l'on remonte à l'étymologie latine, le renversement, la contradiction des principes de l'autorité en place. Une fois le renversement effectué correctement, la subversion n'à plus lieu d'être, elle est détruite dans le processus et ses acteurs intègrent le nouveau système.

Quand on parle de rap, on ne se limite pas qu'aux artistes, le public fait partie du mouvement puisqu'il permet aux artistes non pas de se produire - la création hip hop pouvant vivre sans diffusion et sans public - mais de diffuser son art à un maximum de personnes.
En plus du fait que le rap à besoin d'un "renouvellement de façade", il y a un travail en interne à mettre en place. Beaucoup d'artistes sont prometteurs, mais nécessite un dépassement de leur niveau actuel pour faire souffler un vent nouveau sur l'ensemble du mouvement.
En effet, il y a beaucoup trop de facilités récurrentes dans les textes : la haine des flics (Salaud sont les hommes d'avoir besoin de flics, comme disait Rocé), la quête de l'argent, la drogue, l'egotrip.. C'est marrant et parfois représentatif d'une certaine réalité, certes, mais la création littéraire (le rap relève de la littérature) est issues de la fantaisie, et la fantaisie des désirs insatisfaits. Or si le désir insatisfait d'un artiste est le tabassage d'un flic, la présence de ce même flic étant le résultat de la marginalisation du mec de banlieue par l'instrumentalisation du rappeur, vaut il vraiment la peine d'être écouté ? Est il vraiment utile, sain pour le mouvement dans sa globalité ? On entend beaucoup de texte qui tendent vers la victimisation, mais la victimisation ne dure qu'un moment, il faut aller de l'avant, dépasser le stade de victime pour accéder à, non pas celui de bourreau, mais celui d'instigateur d'une nouvelle ère.

C'est pourquoi l'artiste doit effectuer un travail sur lui-même et sur ses projets. Au cours de l'histoire, le peuple a octroyé des avantages aux hommes dont l'action était bénéfique et utile pour tous. Ainsi le rappeur ne pourra vivre de sa musique uniquement si celle-ci est utile au bon fonctionnement de la vie sociale. Jamais un grand homme n'a été aimé pour son trop plein de richesse (c.f. Ces rappeurs qui répètent qu'ils sont blindés, album après album). Mais beaucoup furent aisés parce qu'ils étaient aimés, et ils étaient aimés parce que le travail qu'ils fournissaient était intelligent, ils guidaient le peuple vers la vertu, plutôt que vers le vice.
Une richesse matérielle acquise par l'exercice du bien possède une valeur différente de celle acquise par l'usage de la tromperie. Et c'est valable aussi bien pour celui qui la possède, celui qui lui octroie et celui qui la jalouse. Le phénomène de cercle vertueux existe tout comme celui de cercle vicieux.
Donc, si le travail de l'artiste est bénéfique, profond, et salutaire, il pourra vivre de sa musique en plus de dynamiser le mouvement de façon vertueuse. En revanche si celui-ci créer sa musique en fonction de la tendance, pour plaire à la masse, il générera peut-être suffisamment d'argent pour en vivre, mais l'impact sur l'évolution de l'ensemble de la scène rap sera négatif !


Pourquoi ?



 Je pense que la tendance est l'ennemi de la création, dans le sens où elle soumet celle-ci à des normes, normes qui sont décrétés par les agents marketing qui étudie le comportement des masses et agissent en conséquence, dans l’ultime but du profit.
Quand la tendance sera dans la bonne direction, alors l'opinion publique et les consciences de chacun auront évolués dans le sens de la raison et non de la démesure. Booba le déclare en interview : avant de se lancer dans un album il regarde la tendance, et il écrit en fonction de ce qu'il à compris. Même s'il y a toujours processus de création, celui-ci est conditionné par la tendance, qui elle même est le résultat du travail de conditionnement de toutes les autres industries qui grattent de l'argent sur le même marché que Booba, et ainsi de suite..
L'existence de la tendance, et de sa manipulation, existe parce que les phénomènes de masse sont encore très fort. Quand ceux-ci se dissiperont et que chaque individu aura sa propre réflexion, la tendance n'existera plus, ainsi il n'y aura plus de manipulation et la vérité éclatera. Le public de La Fouine comprendra que celui-ci se fout de leur gueule quand il chante qu'il est propriétaire, alors que la plupart de ses fans sont sûrement comme la plupart des français, soumis aux lois du marché du travail, luttant pour essayer d'avoir une vie décente et conforme à l'idéal illusoire qu'ils se sont fixés, illusoire parce que calqué sur des "modèles" comme La Fouine.
Quand ils voient toutes les montres de La fouine, les bijoux de Booba (exemples d'archétypes de rappeurs jugés trop commerciaux et mort artistiquement), ne comprennent ils pas qu'on se fout de leur gueule ? Que ceux qui ne seraient pas d'accord imaginent tenir leurs argument devant ceux pour qui l'acquisition d'une montre pleine de diamant n'a pas vraiment de sens. Tout est permis, rien n'est possible.
Il serait intéressant de se poser la question de savoir pourquoi c'est Booba qui à été le plus plébiscité dans le duo Lunatic, et je ne pense pas que ce soit grâce à son talent..
Il parle de l'Afrique pillée en faisant l'éloge du style de vie et de la mentalité des pillards..

Pour que le rap sorte de ses normes, imposés par les médias de masse et autres détracteurs de la vérité, il faut que son public accepte certaines choses, et une en particulier : la qualité d'un morceau ne dépend pas de la couleur de peau de l'artiste (le contraire serait du racisme, dans le sens où la couleur de peau détermine la supériorité ou l'infériorité), ni par sa provenance sociale. On a amené le rap dans les banlieues pour calmer les tensions communautaires et ensuite les manipuler. Le rappeur qui s'est fait connaître et qui est censé être un mec de banlieue, solidaire de ses pairs, est plus proche du requin businessman que du prolétaire luttant pour sa condition et ceux avec qui il l'à partage. Les clichés du rap divisent les prolétaires issu de l'immigration ou non, au profit des classes sociales supérieurs, qui tirent une rente du mouvement Hip Hop.

Une fois cela compris, libre à nous de nous affranchir de tout ça, et de faire briller le rap comme un art, qui transcendera non seulement la musique, mais également les normes répressives d'expressions et d'actions pour finalement changer les choses, finaliser la subversion.
C'est le peuple qui donne le pouvoir à son tyran, c'est le public qui donne la notoriété à l'artiste. De ce fait, il semble inutile de cracher sur les artistes, il faut simplement retrouver la solidarité entre les différents publics, et plébisciter les artistes honnête, qui ne serons néfastes ni pour le public, ni pour le mouvement, ni pour non-amateurs de rap.




Merci de votre attention,
et n'hésitez pas à réagir !
Paix




4 commentaires:

  1. C'est la même chose pour la musique électronique, et c'est regrettable de voir à quel point un mec comme Skrillex ou Psy réussit à représenter la musique d'aujourd'hui. Ton article est bien tourné. bises

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  2. Sympa cet article :)
    Par contre dans l'interview de Booba il dit pas qu'avant chaque album il regarde la tendance.

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  3. Merci !

    Je me suis trompé de lien ! Je corrigerais dès que je retrouverais la bonne vidéo !

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