dimanche 10 mars 2013

Quelques questions à.. Kemi Seba






Pourquoi êtes-vous noir ?



Dieu en a décidé ainsi. J'ai un taux de mélanine élevé, et je ne peux que le remercier. Ca me protège des rayons ultraviolets, et ca m'évite ainsi des cancers de la peau auxquels certains de mes camarades occidentaux sont exposés. (rires)



Kemi Seba, l’étoile noire ? Quel rapport entretenez-vous avec les connaissances millénaires de l’Afrique et par là de l’humanité ?

L'étoile noire, ce sont mes parents qui m'ont nommé ainsi. Mon prénom de naissance est Stellio, qui en italien, signifie étoile. Je ne suis pas italien, mais africain. J'ai donc pris un patronyme correspondant à la manière dont il m'avait nommé, mais cette fois-ci dans la matrice linguistique du continent africain, le medu neter, qui pour nous, est ce que le latin est pour les européens.
Pour ce qui est de la connaissance, Je suis un junkie de savoir. J'ai besoin chaque jour de lire dans toutes sortes de domaines pour m'épanouir. J'éprouve ce besoin compulsif d'étudier, pour chaque jour, un peu plus m'élever. J'ai toujours cette envie de me sentir bousculé par les informations, qu'elles soient scientifiques, philosophiques, ou autres, du moment qu'elles aient trait à l'Afrique ou à sa diaspora. Maintenant attention, je rappelle toujours à mes sympathisants, auditeurs ou partisans que le plus important dans la quête du savoir, ce n'est pas le plaisir de l'acquisition de ce dernier, mais bel et bien, ce qu'on en retire pour à notre tour, concrètement, créer, sur le terrain des idées. Si je devais donner une image brutale, je dirais que certains penseurs se masturbent avec le savoir. Moi j'essaie avec ce dernier de créer, d'interagir sur la société.




Vous êtes né en France, maintenant vous résidez au Sénégal. Les gens commencent à vous connaître de part vos positions sur le rap, la société et l’Afrique.. Mais le Kemi Seba d’avant, afro-insolent, si j’ose dire, qu’à-t’il vécu pour qu’il ait pris aujourd’hui la forme d’un porte-parole voire un leader d’opinion chez certaines personnes et / ou groupes ?


Certains me découvrent aujourd'hui, c'est vrai et tant mieux car c'est toujours important d'élargir son audience, lorsque l'on est dans le débat d'idées. Mais la plupart des personnes composant mon public me connaissent depuis les années 2005, 2006, date à partir de laquelle je suis rentré sur le champ médiatique dissident. Et enfin, les puristes de l'activisme noir francophone m'ont vu commencer à diffuser ma pensée dans les rues de Château d'eau ou Châtelets les Halles, à Paris.
Pour ce qui est de savoir ce que je j'ai vécu, je dirais en quelques mots que j'ai connu très tôt l'inhumanité au contact d'autrui, et cela m'a rapidement poussé à partir en quête de justice et de dignité, d'abord brutalement, puis au fur et à mesure du temps, en vieillissant, plus sereinement. (Je ne peux en dire plus car je réserve ces informations pour la sortie de mon livre d'ici 1 mois et demi qui s'intitule Supra-négritude, livre à paraître aux éditions Fiat Lux)




Peut-on vous qualifier d’intellectuel ? Vos idées sur le panafricanisme et l’évolution de l’homme noir sont intéressantes, pouvez-vous nous éclairer d’avantage ?


Je pense le monde, je le vis dans ma chair, et tout acte politique que je pose a pour but de contribuer, à ma petite échelle, à améliorer la société dans laquelle on vit, réduire les inégalités, pousser mes semblables, mais aussi les dissidents de toutes les couleurs à se perfectionner. Mais je n'aime pas ce terme d'intellectuel (qui me rangerait dans la même case que Bernard Henri Levy). Je suis un chercheur de perfection, qui à chaque instant, pour s'améliorer, n'hésite pas à se remettre en question.
Pour ce qui est du panafricanisme, cela représente pour moi la trame de ma vie. Désunis, les africains ne sont rien, ce n'est que dans l'unité que l'on pourra espérer se transcender, et apporter notre contribution à l'Humanité. C'était le rêve de Marcus Garvey, de Nkrumah, de Lumumba, de bien d'autres. Ce combat est une course de relais. Aujourd'hui, dans ce courant, je fais partie dans la nouvelle génération de celles et ceux qui sont en 1ères lignes. J'essaie le plus possible d'amener ce courant à comprendre les véritables causes de ses échecs passés. Parce qu'auparavant nos adversaires politiques n'étaient sans doute pas bien définis, nous avons cru les chasser physiquement dans les années 60, mais les avons laissés revenir sous une forme plus dangereuse, moins visible. Certains parmi les nôtres sont devenus les 1ers agents de la puissance impériale, là où auparavant, durant la colonisation, l'on pouvait identifier le colon à sa couleur de peau. Aujourd'hui, l'on se fait briser le colon par des colons issus de notre propre terroir. Ca doit pousser à la réflexion.




Quand on sait que vous avez eu des procès et que votre liberté d’expression s’est retrouvée menacée, que pouvez-vous nous dire sur l’état et les institutions ainsi que les gens qui les font tourner ?

Il y a aujourd'hui, en politique, des acteurs et des scénaristes. Les acteurs, ce sont les politiciens , payés pour faire vibrer la masse naïve de gens, lors des campagnes électorales, scandaliser ou faire pleurer de joie des gens qui n'ont rien, mais qui voient en eux les représentants de leur destin. Et derrière il y a le lobby financier, les usuriers des temps modernes, qui se sont organisés il y a très très longtemps, qui sont très peu nombreux mais qui décident de quasiment tout. On les appelle les oligarques...
Ces derniers sont les scénaristes de ce monde politico-économique. Ce sont eux qui font la pluie et le beau temps. Ce sont eux qui provoquent les guerres, ce sont eux qui ostracisent les résistants à leur hégémonie. J'ai été dans un radicalisme extrême à mes débuts, mais je n'étais pas inquiété tant que je ne m'en étais pas pris à eux. Dès que j'ai prononcé le nom de cette mafia j'ai été incarcéré, traîné dans la boue médiatiquement, considéré comme un monstre, un pestiféré. C'est la règle du jeu, et cela prouve que le travail que je mène avec mes camarades est efficace. Aujourd'hui, de plus en plus de gens commencent à réaliser que ce que l'on dit, ce n'est pas un conte de fée.



Pouvez-vous nous parler de Dieudonné ? Alain Soral ? Avez-vous quelqu’un à faire découvrir à nos lecteurs ? Quelqu’un que l’on pourrait lire, écouter ou rencontrer et qui serait dans la dissidence mais toujours méconnu ?

Dieudonné est mon frère. Pas d'accord sur tout, il est pour le brassage des cultures, je suis plus pour la conservation des identités dans le respect et la solidarité de chacune d'entre elles. Soral, c'est quelqu'un que je ne pouvais pas blairer il y a quelques années (c'était réciproque), j'avais en tête le polémiste de l'émission « C'est mon choix » avec Evelyne Thomas. Je ne le prenais pas au sérieux. Je m'étais fait politiquement parlant dans la rue, et je le voyais comme un cheveu sur la soupe sur le terrain de la dissidence. Mais avec le temps, j'ai gratté pour comprendre qu'il se battait réellement pour son pays. Je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'il dit (souvent, sur l'Afrique, il divague et raconte dans une vision très colonialiste avec son comparse Bernad Lugan ce qu'est pour lui la terre-mère), mais pour le reste, il sait faire la synthèse de ce qu'il reçoit comme information. C'est devenu un camarade de lutte. C'est un résistant. J'ai fini par l'apprécier sur bien des points.


Quelles sont vos actions par rapport à vos convictions ?

Je suis sur le terrain, le continent africain, je répands dans les universités les plus sélects (celle qui m'invitent) le panafricanisme de construction, qui ne consiste évidemment pas qu'à élever des poules, planter des tomates ou construire des maisons, mais aussi et surtout à déconstruire les clichés que nous avions auparavant, au sujet de ce que nous ciblions comme étant les freins à notre développement. A côté de cela, j'ai une radio sur le web, qui émet à partir de Dakar, qui se nomme Afro-Insolent, et qui vise à densifier l'éveil des consciences, selon le paradigme qui est le nôtre. Et enfin, je suis le porte-parole d'une Société qui tente tant que faire se peut, de créer une pépinière de ré-enracinement au Sénégal.



La France, pays des droits de …. ? L’Afrique, territoire du …. ?


La France, pays des droits de l'oligarchie financière, drapé dans le manteau de l'Humanisme. L'Afrique, terre du non-droit qui permet aux oligarques d'effectuer leurs forfaits dans la plus grande impunité...

Vous semblez écouter du rap, quelle est votre vision sur celui-ci ?


Je suis un passionné, un amoureux du rap américain depuis 1994. Tupac, quand je l'écoutais rapper, j'avais l'impression d'entendre un grand frère turbulent, qui à travers ses fautes, comme ses réussites, me parlait. Ce n'était ni un modèle, ni un gourou, mais quelqu'un qui touchait mon coeur tout de même. Je me suis ensuite, à travers l'écoute des mixtapes du posse beat 2 Boul, tourné petit à petit vers le Rap Français. Lunatic (Booba et Ali) puis ensuite Booba tout seul ont illustré le rap francophone que j'écoute le plus. Pour moi, cette musique, c'est un défouloir. J'ai du mal quand certains veulent jouer les politiques en étant tenus en laisse par l'industrie du disque. Je ne les prends pas aux sérieux. Ce que j'ai toujours aimé avec Booba, c'est qu'il ne s'est jamais pris pour Che Guevarra. Il sait que c'est de la musique, et surtout, en connaît l'origine. Je n'ai pas besoin à titre personnel que quelqu'un me chante sa négritude sur chaque couplet, car dans ce cas, qu'il arrête de faire de la musique, et se lance en politique. Mais j'apprécie énormément le fait que Booba, au milieu de son rap défouloir, et ses punchlines venues d'ailleurs, glisse toujours une ou 2 références à notre peuple. B20 est pour moi, la définition même du rap.


On a pu vous entendre donner un avis sur les clashs entre Booba, la Fouine, Rohff et TLF. Il en ressort une certaine préférence pour Booba, qui selon vous est anarcho-libéraliste ou plutôt libéralo-anarchiste. Pouvez-vous être plus explicit ou du moins revenir sur ce point ?
Booba pousse (pourtant sans se la jouer donneur de leçons comme d'autre dans cette musique...) la rue au dépassement, à créer des entreprises, à devenir les boss de leurs propres destinées pour éviter de demeurer les pigeons de la société. Il est anarcho-libéraliste pour moi car il ne prône pas l'argent pour rejoindre le lobby de la finance, mais pour créer son propre circuit d'indépendance. Après on peut discuter des heures sur sa démarche, mais à mes yeux le plus important est qu'il se serve de son argent pour de vraies causes en Afrique. Et c'est le cas.



Hip-Hop ou rap ?


Moi c'est le Rap. Graffiti, break tout ça, ça ne m'intéresse pas.


Magneto ou Professeur Xavier ?


Magneto, sans hésitation. Il défend les siens. Je le comprends.



Ordinateur ou paysage ?
Ordinateur. Partout ou je me déplace, j'ai mon ordi portable. C'est mon outil de travail.



Vous intéressez-vous à la spiritualité ?


Oui, je suis un passionné de la tradition primordiale, des cosmogonies ancestrales des peuples premiers. Je relie ces dernières avec la religion de la soumission à l'Unique par essence qu'est l'Islam


Vous vous êtes convertis à l’Islam, cela vous a-t-il apporté ? Si oui, quoi ?


Ma démarche islamique est liée plus que jamais à la tradition primordiale, à la connaissance de mon peuple, et in extenso, de l'Humanité. J'en parle dans mon livre, et si vous le permettez, je préfère garder en exclusivité bon nombre de réflexions à ce sujet pour la sortie de mon ouvrage.



Pourquoi ne connait-on pas, et peut être n’existe-t-il pas de mythe d’entrée de l’humain en société écrit par des hommes noirs ? Nous faisons référence à Rousseau et le bon sauvage et à Hobbes avec l’homme mauvais obligé de s’associer.


Il en existe pléthore, mais nous vivons dans un monde régi par la vision culturelle suprématiste occidentale, donc pas étonnant que les visions cosmogoniques des peuples 1ers soient oblitérées. Je vous renvoie à ce sujet à l'ouvrage « L'origine africaine de la philosophie », écrit par le savant gabonais Grégoire Biyogo, mon formateur en philosophie. Il montre que bien longtemps avant que les occidentaux n'écrivent quoi que ce soit sur le mythe d'entrée de l'Homme, les peuples 1ers avaient déjà écrit et laissé des traces sur les murs de nos temples à ce sujet.


Que pensez-vous des choses qui nous échappent tel les OGM ? La bioéthique ? Le fait que dans le futur on puisse choisir avant la conception les qualités, le caractère et le physique de l’enfant ? La robotique ? Ces données peuvent elles changer la donne de notre humanité ?


Que ce soient les OGM, la bioétique, la robotique, etc, tout cela provient d'un seul groupe de gens qui aspire à remplacer Dieu, et à détourner les gens de ce pourquoi l'Humanité est née. Des usuriers, qui derrière le manteau de la vertu, pratiquent un impérialisme destructeur. Mais nul ne peut égaler le Créateur. Ils ne font que diversion, mais auront des comptes à rendre, comme tout le monde. Je ne suis pas inquiet.


Tous vos ancêtres sont là assis à côté de vous, ils se transmettent un secret. Peut-on l’entendre ?


Non, sinon ce ne serait plus un secret. ;-) Mais vous en verrez les effets, lorsque j'aurai moi-même transmis le relais...




Pour plus d'infos sur Kemi Seba, l'écouter ou suivre ses actualités je vous invite à visiter son site internet !


Tout nos remerciements pour avoir pris le temps de répondre à nos questions !

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