lundi 23 décembre 2013

Oxmo Puccino - L'enfant seul

"L'enfant seul c'est toi, eux, lui, elle 

Oxmo Puccino voix de miel"


Abdoulaye Diarra aka Oxmo Puccino à commencer à rapper vers 13 ans, et comme tous ceux qui ont commencé aussi tôt (Kery James, Zoxea et Dany Dan..), il à développé un certain talent pour ça. Il a écrit son son premier album, Opéra Puccino, à 23 ans. Entre écriture profonde, métaphorique et percutante, Oxmo Puccino livre avec ce premier album une oeuvre qui est aujourd'hui un classique du rap français. De l'école Time Bomb, il s'est construit avec les plus talentueux : Lunatic, Pit Baccardi, Les X...
Il est aujourd'hui accepté et validé par les grands médias comme par la plupart du public. Personnellement, lorsque je dois défendre le rap français c'est sa discographie que je cite parmi d'autres. 
Encensé un peu partout, Youssoupha dira même dans éternel recommencement :

"Devant leurs beaux yeux un morceau d'Oxmo ne vaut pas Mozart"

L'enfant seul est, à mon sens, un des plus beaux morceaux d'Oxmo voir du rap français, voir du rap en général. C'est pour ce morceau que le rap français n'a rien à envier au rap US. 
C'est ce morceau sur lequel je vais travailler aujourd'hui. Je ne pense malheureusement pas pouvoir faire un travail efficace car il est difficile d'aborder ce genre de texte quand beaucoup le considère comme intouchable. Mais j'aime beaucoup ce morceau et j'ai envie de travailler dessus, à mes risques et périls.







T'es comme une bougie
Qu'on a oublié d'éteindre dans une chambre vide,
Tu brilles entouré de gens sombres voulant te souffler

Une bougie allumé dans une chambre vide c'est n'avoir rien ni personne à éclairer. Ces gens sombres voulant de souffler c'est autant de gens qui n'ont pas besoin de toi, pire encore qui souhaite éteindre la frêle flamme symbolisant ton individualité. On peut lire ceci de la façon suivante : l'utilité d'une bougie est d'éclairer et d'une certaine façon réchauffer. Or si personne ne profite de cette lumière elle ne brille que pour elle même. Ces gens sombrent qui veulent la souffler peuvent représenter l'obscurantisme de notre société à savoir la marginalisation des consciences éclairées. Il arrive souvent, et plus particulièrement chez les jeunes, que les personnes plus créatifs que la moyenne soit marginalisés, ce qui peut conduire à un refoulement de la capacité créatives de ces personnes. Il est difficile de s'intégrer dans un groupe lorsque l'on est en avance, même si le terme peut paraître arrogant. Avoir du recul critique lorsque les personnes que l'on côtoie n'en n'ont pas peut faire naître une profonde frustration menant soit au refoulement, soit à l'exclusion.


Le coeur meurtri et meurtrière est ta jalousie;
L'enfant seul se méfie de tout le monde, pas par
choix, mais dépit, pense qu'en guise d'amie
Son ombre suffit

Cette phase reflète la solitude de l'enfant pour qui seul son ombre lui tient compagnie. Métaphoriquement mon ombre représente cette partie de moi qui vit avec et en moi, se nourrissant de sentiments refoulés et de pensées intimes. Oxmo décrit ici le sentiments de repli d'un être qui ne peut se nourrir de relation sociale à cause de trop fortes déceptions. Quelques mauvaises histoires suffisent à abandonner le besoin d'autrui pour exister. Dès lors se construit un miroir, ou plutôt une flaque d'eau comme écrit plus tard, dans laquel l'enfant trouve un interlocuteur pour le soutenir dans ses interactions ou non-interactions avec les autres. 


Une solitude qui te suit jusque dans le sexe
Mon texte coupe l'enfant seul en deux espèces :
Ceux qui baisent à l'excès mais souhaiteraient se
Fixer à une femme plutôt qu'à mille fesses
Quand l'autre sorte écoute souvent la même
Chanson dans le poste, et porte le deuil d'une
Relation morte et reste l’œil humide.
La tête baissée laisse le cœur sur l'estomac,
L'estomac sur les genoux, ma tristesse n'a d'égale
Que le coup de gueule muet de l'enfant seul
Que nul ne calcule

Le cœur et l'estomac jouent, dans le sens commun, un rôle important dans nos expériences émotionnelles. Cette phase renvoie à l'expression en avoir gros sur le cœur / l'estomac, renvoyant à une certaine tristesse.
Ce sentiment est renforcé par l'oxymore coup de gueule / muet, symbolisant la tristesse et l'impuissance de l'enfant seul. La puissance de cette tristesse est plus tard reprise dans cette comparaison : 

Il mate par la vitre la solitude qui le mine
Fait passer la quinine pour un sucre

La quinine étant un alcaloïde extrait d'un arbuste et connu pour ses propriétés médicinales (utile contre le paludisme). Son goût est très amer, d'où la comparaison pour mettre en avant la profonde tristesse lié à la solitude de l'enfant seul.


Mes mots s'emboîtent les gens s'y voient comme
Dans une flaque d'eau, ça leur renvoie un triste reflet
Mais est-ce ma faute ?
T'es l'enfant seul c'est pas facile, on se comprend
Peu l' savent
Que je le sache ça te surprend.

Voici ici un bon cas d'école, un extrait du génie d'Oxmo. Le texte est profond et touchant, reflet de ceux qui partage sa douleur. Il traduit ici un sentiment qu'on retrouve souvent le rap français et qui est à double tranchant : l'identification. Comme ici certains peuvent lire leurs histoire dans ce texte, d'autres la liront dans des textes plus léger, plus facile. L'identification peut être l'un des pièges du rap aujourd'hui, mais c'est une autre histoire. Youssoupha dira même dans Espérance de vie se reconnaître dans l'enfant seul.
Si le reflet vient d'une flaque d'eau et non d'un miroir c'est parce que le reflet d'une flaque d'eau est souvent trouble, sale. Les gens évitent souvent les flaques.
Pour en revenir au génie d'Oxmo, on peut admirer en celui-ci sa manière d'allier un texte intelligent et une plume acrobate. L'allitération en S est subtilement manipulée et conduit à une proximité avec l'auditeur, proximité bien amenée puisqu'elle illustre les propos de Mr. Puccino "on se comprend, peu le savent". L'idée de cette partie reprend également celle du refrain, à savoir que l'enfant seul existe dans toutes les couches sociales et les différentes ethnies. Un enfant "seul" pourra de même plus facilement en reconnaître un autre, connaissant bien les comportements propres à cette situation.


Faut être lucide, il faut qu'on se libère, disent-ils
Ils n'en discutent pas, confondent la rime et l'acte
La fuite et le suicide, un pact', une promo sans tract

Le chiasme Rime / Acte // Fuite / Suicide fait référence à l'une des raisons pour lesquelles de nombreuses personnes se réfugient dans l'action artistique. En effet, la création est souvent stimulé par le refoulement des sentiments et agit ainsi en échappatoire d'une réalité souvent difficile. Rapper est donc pour Oxmo une manière de fuire cette réalité.


Pas trop de mots nobody n'a capté le sale souhait
L'envie de se laisser par le cou pendu,
Pour punir les parents qui, pour aimer l'enfant,
Ont trop attendu, car si l'amour est une course
L'enfant naît c'est le départ en tête, l'embêtement
En passe-temps en fait des parents bêtes !
Maîtrise lancinante, sentiments en ciment sinon
Dans six ans on me retrouve ciseaux dans le crâne
Dans le sang gisant

On revient à la fuite, car si la rime ne permet pas d'échapper à la réalité selon Oxmo c'est le suicide qui le permettra. L'enfant seul parle peu et dans ce sens il est souvent compliqué de deviner les "sales souhaits" de celui-ci. Encore une fois le lyrisme associé aux assonances font de ces quelques phases une réflexion artistique et approfondi d'un cas psychologique récurrent dans nos sociétés modernes, à savoir le délaissement de l'enfant, le manque d'effort pour comprendre celui-ci.


L'enfant seul c'est l'inconnu muet du fond de classe
Celui de qui l'on se moque, rond comme
Coluche, ou le boss dans le hall, au groupe
Massif l'os dans le steak haché plantant
Chaque postulant à un poste,
Vu que les conneries de gosse des rues couvrent
Souvent un jeune qui souffre d'un gros gouffre affectif

Il est bien connu qu'une personne multipliant les conneries ou les différentes façon d'attirer l'attention cachent souvent un manque affectif, un complexe quelconque que de nombreux imbéciles en première année de psycho se complairont à deviner. Le fait est que lorsque l'affection ne vient pas de la famille, il faut le chercher ailleurs. Et pour le trouver auprès de ses potes, les règles sont différentes.


Nous savons tous que personne ne guérit de son enfance
Même un torse poilu ne peut oublier sa vie de
Gosse du divorce rossé par son beau-père.

Oxmo décrit ici l'enfance comme une maladie incurable. En effet, on garde tous des séquelles de son enfance, que ce soit dans les relations familiales ou son rapport avec les autres enfants. Certains essayent de l'oublier quand d'autre s'en servent pour définir leurs propres valeurs. De plus, un enfant sera plus facilement traumatisé par un événement quelquonque et de ce fait pourra aura plus tendance à s'en souvenir qu'un adulte. Les valeurs et les mentalités d'un adulte sont souvent inspirés de son enfance.



Définitivement l'une des pièces maîtresses de l'oeuvre d'Oxmo Puccino, se morceau, bien que très triste, aborde un sujet d'une manière délicate, intelligente et profonde. Si Dany Dan est le père de la punchline à la française, Oxmo en est son oncle. Mieux maîtrisées et écrites, celles-ci sont dans les textes d'Oxmo souvent très démonstratives et imagées. Puccino est également connu pour ses textes racontant une histoire, tel Mr. Puccino ou Pucc Fiction.



Bien entendu comme souvent je vous invites à écouter / réécouter sa discographie, et nous rejoindre ici :





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Par les Haterz 

Merci de nous suivre !

Peace





mardi 26 novembre 2013

Dany Dan - Crabes



Daniel Lakoué aka Dany Dan aka Pop Dan aka Bob Dan est un des piliers du rap français, originaire des ponts de Sèvres, Boulogne Billancourt. Il sort avec son groupe mythique les sages poètes de la rue leur premier album, Qu'est ce qui fait marcher les sages, en 1995. L'album aux sonorités Jazz apportera beaucoup de nouveautés et influencera de nombreux groupes émergants comme la Movez'lang. Les sages poètes participeront ensuite à la création du collectif Beat de boul(ogne) d'où sortiront des gars comme Ali, Booba ou encore Lim.

Très productif, Dany Dan et son groupe enchaîneront les projets classés aujourd'hui classique dans le rap français. Avec un style d'écriture très imagé et friand de métaphore, Dany Dan est pour beaucoup considéré comme le père de Punchline française. Bon nombre de ses projets ont apportés de la nouveauté sur la scène hip-hop, comme son album commun avec Ol'Kainry en 2005 ou encore sa mixtape Spécial Dany Dan Vol.3, mixé par Nicolson et Dj Kery, pour laquelle beaucoup d'inédits furent enregistrés.

Avec plus de 16 albums (solo ou commun) et trop d'apparitions pour les compter, Dany Dan est, avec les sages poètes, un incontournable dans le rap français.

Crabes (2010, sur le street album A la régulière) est un morceau qui illustre très bien son style d'écriture et son positionnement artistique, et c'est celui-ci qui sera décortiqué ici.






La métaphore du crabe



Well, j'y vais direct, sans transition comme PPDA le faisait
J'prends le mic comme Martin Luther King et l'espoir renait

En commençant son texte en se référant à PPDA Dany Dan ouvre le morceau par l’idée que celui-ci sera informatif. On peut distinguer plusieurs formes d’écritures : conscient, engagée, hédoniste...
En associant Martin Luther King et PPDA, la valeur informative du texte se voit doté d’une certaine morale, d’une certaine idée de la condition humaine.
Bien que se référant à PPDA, l’information ne porte pas de faits divers qui pourraient appuyer les idées de Dan. Ce n’est pas une information journalistique mais plutôt un récit construit et valorisé par l’expérience du narrateur.


Sur Terre la plupart prient le Christ ou bien Mahomet
Mais dès qu'ils sortent du temple ils ne prient que pour la monnaie



On retrouve souvent cette idée dans les textes, Booba disait qu’il avait un pied dans la merde, un pied dans la mosquée. On peut comprendre ici les difficultés pour les religieux de vivre dans un monde régit par les lois du marchés, les tentations que celles-ci entraînent sont bien plus accessibles que la préservation son éthique personnel. 


Chaque civilisation parle d'un prophète assassiné
D'un ennemi invisible qui reviendra tout calciner
La fin est proche, et on me le rabâche depuis que j'suis né
Donc on est comme des mort-vivants, si on suit cette idée 


L’idée développée ici est très intéressante à mon sens puisqu’elle appelle à un certain fatalisme quant à notre existence. Dany Dan invoque donc les lois de l’histoire soit un déterminisme historique qui, lorsque considéré dans le présent, pourrait mener à un sentiment pessimiste. En effet, le concept de fatalisme porte directement atteinte à la liberté de choix de l’être humain. En étant convaincu que la fin est proche il est difficile de voir autre chose que celle-ci, cela freine donc notre volonté d’apprendre, de découvrir, de construire, autant de choses qui font de nous des humains, d’où le « mort-vivants ».


J'voulais que mon son soit partout dans les rues
Comme une boîte aux lettres, j'ai taffé en stud'
Comme en répèt', pensant j'y arriverais peut-être
Ce n'est pas facile d'être honnête
Surtout quand pour réussir il s'agit d'être un traître
Un arnaqueur maître
Conspirateur, manipulateur, jeter par la fenêtre
Son amour propre je ne peux pas l'admettre 


Dan reprend l’idée que pour percer dans le rap le talent, le travail et la persévérance ne suffisent pas. Sans marketing et un esprit de commercial il sera en effet plus difficile de pérenniser son art. Dany ne parle pas ici de vendre sa musique, mais de la diffuser au maximum. L’industrie ayant tellement codifié la production musicale qu’il est difficile de diffuser celle-ci sans démarche commerciale, cela prendra plus de temps.


Prends du recul et regarde le système
J'ignore si c'est fait exprès mais nous sommes comme des crabes des huîtres même
Dans un panier géant à se marcher dessus
Mais pour en sortir les autres il faut cracher dessus
Et petit à petit cette sauce maléfique prend goût
Le goût de l'argent qui a fait mettre Christ aux clous


Le lien avec le titre du morceau s’explique ici. De cette métaphore filée se dégage la vision de Dany Dan de notre société. En prenant du recul pour regarder les choses on peut comparer nos comportements à celui d’un crabe bloqué dans un panier avec ses congénères. En observant une telle situation on pourrait remarquer que l’instinct premier du crabe est de monter sur les autres afin de tenter de sortir du panier. L’expression « un panier de crabe » désigne également un groupe de personne collaborant dans un objectif commun tout en se nuisant les uns les autres.

La « sauce maléfique » dont parle Dany Dan pour s’expliquer ainsi : lorsqu’un groupe de personne se comporte comme expliqué plus haut il est probable que ces comportements se normalisent voir se codifient pour les générations suivantes. La métaphore de la sauce sous-entend un phénomène indirect caractérisant un état d’esprit qui imprègne ceux qui y sont immerger, ce qui nous fait revenir à la normalisation du chacun pour soi, faisant prévaloir l’intérêt individuel avant l’intérêt de la communauté, bien que les deux étant sensiblement les mêmes. En effet, si l’intérêt commun est bien souvent la survie, et, de façon plus avancé, l’amélioration de son niveau de vie, il faut bien comprendre c’est également l’intérêt de la collectivité. Malgré ceci, l’intérêt individuel reste prioritaire pour la plupart des gens, Dany Dan expliquant ceci pour le goût pour l’argent et l’ivresse de pouvoir que celui-ci apporte.




Et ils ont peur de me passer la balle car ils savent que je fais mouche
Personne te l'avoueras mais rare sont ceux qui aiment voir quelqu'un prospérer
C'est bien plus rassurant pour eux de te voir tomber
Genre "lui non plus n'y arrive pas"
Comme des crabes dans un panier s'empêchant de gagner la victoire
Que des échecs des trahisons des vengeances
Des générations perdues ne croyant qu'à la violence



Encore une fois la métaphore du crabe prend tout son sens. Ce que Dany Dan évoque, à savoir, « c’est bien plus rassurant pour eux de te voir tomber ». On parle ici d’un cas psychologique commun à de nombreuses personnes. Un manque de confiance en soi, de passion, d’envie ou une frustration quant à certains espoirs brisés peuvent pousser certaines personnes à apprécier ou faire en sorte de voir les autres échouer. Il est plus rassurant de voir les autres autour de soi échouer, cela permet de se justifier voir de se consoler de son propre échec, un élève qui a eu une mauvaise note se consolera plus facilement si ses camarades ont également des notes aussi basses.

L'échec est également source de comportements significatifs. Il favorise les comportements de tricherie, ou antisocial. La cause en serait une plus grande vulnérabilité à l'influence d'autrui. Autre effet non négligeable : il pousse à rechercher des partenaires qui soient surtout sympathiques et sociables, plutôt qu'intelligents et performants. Pourtant, le second choix pourrait être plus rationnel. L’échec est pour beaucoup perçu comme une atteinte à l’image de soi, et le fait d’échouer blesse notre narcissisme social, ce qui pourrait conduire à souhaiter l’échec de l’autre afin de revaloriser notre image. Ce mécanisme de défense du « moi » se nomme la projection sur autrui et est très fréquent dans le milieu scolaire, notamment dans les classes spécialisées.



Comme souvent, je vous conseille l'écoute de sa discographie qui permet de mieux comprendre l'évolution du rap français. Son style d'écriture à influencé plus d'un MC et nombreux sont ceux qui sont inspirés par son intégrité artistique.


Dany Dan prépare actuellement un nouvel album intitulé Trocadéro, cependant il y a peu d'infos concernant ce projet. On sait qu'il sortira sur le label Disque durs (fondée en 2005) comme de nombreux projets de Dan.


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mercredi 30 octobre 2013

Comment le hip-hop et internet sont devenus indissociables

http://pascal27sevran.tumblr.com/, le tumblr qui mélange Pascal Sevran et Kaaris



« Face aux médias, quand un artiste vend un million d’albums, c’est un grand artiste. Quand un rappeur vend un million d’albums, il reste un rappeur » - Akhenaton 



En 1991 sur le plateau de Ciel Mon Mardi, Shuriken expliquait que les morceaux de rap diffusés à la radio propageaient une fausse idée du rap, que celui-ci était bien plus qu’une mode mais un art de vivre. Un invité, le Dr Bezold, se permet alors de dire que le rap et plus largement le hip hop ne tiendrait pas 10 ans, et tout ça devant entre autres IAM, MC Solaar ou encore Lionel D. Il n’avait pas totalement tort : si Internet n’avait jamais été inventé, le rap serait probablement mort, ou très affaibli.

En effet, le rap et le mouvement hip hop en général n’existait médiatiquement qu’à travers l’exposition qu’on lui accordait. H.I.P H.O.P sur TF1 en 1984, Rapline avec Olivier Cachin en 1993. En 1996, Skyrock opère un remaniement qui engendrera ce que certain qualifieront de récupération des musiques urbaines. Récupération, peut-être, mais le marché est la base du fonctionnement de toutes cultures, et cette année là, Doc Gynéco vendait 800 000 albums… Ainsi en 1998 Busta Flex sera le premier invité de planète rap et bénéficiera comme de nombreux artistes après lui d’une semaine pour faire la promo de son projet.

La culture de l’underground et de l’indépendance est très forte dans le mouvement hip hop. Les mixtapes de Cut Killer en sont la preuve. Avec ses cassettes, ils surpassaient en pertinence et en qualité tout les médias concernés de l’époque. Cela dit, sans signature il restait difficile de diffuser son art au plus grand public, et même Lunatic qui fût le premier groupe indépendant à obtenir un disque d’or (100 000 albums, à l’époque) n’aura peut-être pas eu ce succès sans Warner en tant qu’éditeur. 


Ceci étant dit, pourquoi n’à t’on pas plus de groupes ou artistes indépendants détenteur de disque d’or à l’heure d’internet et de l’auto-promo ?


Les opportunités pour les artistes Peut-être parce que le rap s’est essoufflé, les médias s’étonnent de voir Stromaé vendre 80.000 albums quand Doc Gynéco en vendait 800.000 en 1995. Mais en 1995 il n’y avait pas internet, et je pense que depuis qu’il existe un débit assez intéressant pour télécharger un album en 30 minutes le nombre de disque d’or officieux, voir de platine a explosé dans le rap français.

Sur internet, le rap existe désormais plus par son dynamisme et sa communauté que par ses ventes. Certes le téléchargement illégal ne rapporte pas aux artistes. Mais à partir de là s’est développé un esprit propre à l’indépendance appelé l’achat de soutien qui mise sur l’honnêteté du public et de son respect à l’artiste. Ce soutien est alimenté à travers les réseaux sociaux et l’artiste l’entretien en sortant des projets gratuits de temps en temps ou encore des freestyles (freestyles de qualité qu’on ne retrouve guère plus que chez les indés).

Il est plus aisé de contacter et découvrir d’autres artistes, rappeur, beatmaker, réalisateur de clip.. Et c’est précisément ici que le hip-hop passe en mode super Saiyan. Avec le soutien du public ! J’ai du mal à soutenir un gars qui répète être millionnaire, mais je peux soutenir des artistes comme Demi-Portion, dont j’ai constaté l’évolution à travers ses projets, ou l’ambitieux et très réussi compilation du Gouffre, Marche arrière.

La promotion par Youtube est devenu une clef de voute d’un artiste aujourd’hui, la rémunération est assez faible mais d’autres plateformes plus intéressantes existent, telles que Spotify qui propose un service payant mais offre une rémunération plus intéressantes aux artistes (4€ pour 10 000 écoutes sur Youtube contre 68€ pour Spotify, source). De plus, des plateformes comme Itunes sur lesquels il était difficile de mettre un projet en ventes sans label sont désormais accessible aux indépendants grâce à youtube ou myspace.
Et vendre son projet sur Itunes, c’est le mettre directement à disposition du public sans avoir à presser des CD, comme le fait par exemple Mac Tyer pour son dernier projet.


http://degau2le.tumblr.com/ , le tumblr qui réunit Booba
et Charles de Gaulle
Bien sur, il ne s’agit pas que de vendre et de rentabiliser son art. Sans internet il m’aurait été difficile de découvrir des discographies que je juge désormais indispensable d'écouter pour tout amateurs de rap français (Solaar, Rocé, Fabe, Akhenaton…). Une fois ces discographie en tête, il est plus aisé de comprendre que le rap sans internet ne se limite qu’à celui qui est médiatisé et ses artistes promouvant une musique de club lyricalement très pauvre ne sont qu’une minorité dans le rap français en général. Par Internet le hip-hop peut être présenté non pas comme un énième produit de consommation mais comme une culture pluridisciplinaire rassemblant des passionnés sur des sites spécialisés ou sur les réseaux sociaux.

 

Ces réseaux sociaux ont impactés jusqu'à l'écriture, on retrouve assez fréquemment des phases "twitter", et même un son entier de Demi-Portion basé sur le hashtag. Ceci avec un refrain inspiré de Fabe. Beaucoup de codes culturels propres à Internet furent assimilés par le mouvement hip-hop, ce qui à, par exemple engendré des pages humoristiques comme les Haterz (et le fameux dégénérappeur) ou des parodies du rap game.

Toujours dans l'outil social, il y à cette idée de génie qu’est le site plug.dj. Assez méconnu et surtout fréquenté par des passionnés d’électro, ce site est à mon sens la preuve qu’internet recèle d’idée novatrices prometteuses pour le hip-hop. Le principe du site est le suivant : sous des airs un peu enfantin, avec de petits personnages bizarres se cache un repère de passionné. Chacun peux créer une salle, nommer celle-ci puis définir quel style musical y sera joué. Une fois ceci-fait, d’autres utilisateurs pourront la rejoindre. Une fois dans la salle, chaque personne peut, chacun son tour, passer du son. Chaque son est soumis à une approbation de tous, de façon à filtrer le mauvais du bon son. On peut y créer une playlist à partir de sons présents sur youtube, soundcloud ou sur son ordinateur. Pourquoi est-ce intéressant ? Parce que ne sont présent sur ce site que des passionnés de partout dans le monde, qui découvre et font découvrir leurs horizons rapologique. La salle hip-hop est à l’adresse suivante http://plug.dj/theboombox/

Intéressant pour les artistes autant que pour les auditeurs, internet à permis selon moi une deuxième jeunesse du hip hop français. La popularisation des smartphones permet également un de faire émerger de nouvelles idées, le s-crew ayant à l’occasion de la sortie de SeineZoo de sortir une application en parallèle, ou encore Jay Z qui était déjà disque de platine une semaine après la sortie de son dernier album grâce à un partenariat avec Samsung. On se plaint souvent de ne pas voir beaucoup de rappeurs à la télé, mais ne vaut il pas mieux ne pas faire de compromis et se contenter d’internet ? Gardons en tête que c’est les rap contenders (45 millions de vues) qui ont véritablement donner une visibilité à l’entourage, 1995 ou d’autres.


Une tournée avant de sortir l'album, un concert au bataclan à guiché fermé. 1995 est sûrement le groupe de rap qui s'est fait connaître le plus rapidement, et ce grâce à Internet.





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vendredi 20 septembre 2013

Rap & Cinéma



Beaucoup de personnalités du rap se sont essayées au cinéma.
Avoir une certaine notoriété en tant que rappeur et véhiculer une image caricaturé suffit, semble t'il, à décrocher un rôle de soi-même. D'autres se lancent eux-mêmes dans la réalisation cinématographique, portant la double casquette d'acteur et de réalisateur.

Dans Banlieue 13  la Fouine nous offres une prestation de haute voltige en tant qu'extrémiste musulman qui représente un gang ou je ne sais quoi. En plus de Laouni on y retrouvera Rim K, James Deano et MC Jean Gabin dans des rôles plus ou moins secondaires, peut-être parce qu'ils sont potes avec Besson où parce que le cadre du film c'est la banlieue, ou les deux.
Swagg




C'est, dans un sens, assez étrange, qu'un artiste voulant mettre en avant une certaine réalité finissent par la jouer au cinéma. Leur réalité devenant ainsi scénario quasi-surréaliste et dédié au divertissement.

On pourrait également y voir une pulsion créatrice mêlant musique et cinématographie sur fond de sujet de société, peut-être.





On ne peut parler rap et cinéma sans aborder deux films qui ont marqués l'histoire du rap et du cinéma si tant est qu'il y en ai une. Je pense bien sûr aux films de Jean-Pierre Richet et de Mathieu Kassovitz qui sont deux films intéressants, qui ont marqués des générations, la scène de Cassel devant le miroir dans laquelle il reprend  De Niro dans Taxi Driver en est l'exemple.
Personnellement, j'ai plus apprécié les soundtracks que les films eux-mêmes, même si ceux-ci touchent à une bonne partie de la culture hip hop de l'époque.


1995
1996
Fabe écrira ceci sur ces films dans Nuage sans fin en 1997 :

"La différence entre Spike Lee, Kassovitz et Richet:
C'est que Spike Lee parle de ce qu'il est sans excès.
Sans vous vexer, nos petits frères regardent vos films à succès,
Vous fantasmez, sur " Noirs, Arabe et jeunes de cités ",
Incitez, excitez, mais existez-vous
Pour nous mettre la corde au cou ou pour résister ?
Faudrait savoir, avoir de l'espoir c'est bien joli
Mais pousser les gens à la guerre chars contre pierres, j'trouve ça pourri..."


BREF

Ici on ne parlera uniquement de films français avec des artistes français parce que je suis français et que les films de rappeurs US il y en a plein, vraiment vraiment plein.
Je vais essayer, à travers une liste non-exhaustive, d'observer les différentes réalisations créées ou mettant en scène des rappeurs.


Il y a ces films où les rappeurs jouent presque leurs propres rôles, ou du moins l'image d'eux-mêmes qu'ils véhiculent. Néochrome et Cramé, Alpha 5.20 dans African Gangster, Dosseh dans Karma... ( Morsay dans la vengeance.. ahah )
Ces films se positionnent du côté des "street films" de par leur budget, et plus globalement de leurs réalisations.
En restant dans le thème des rappeurs transposant leurs vies à peine déguisée par la fiction on pourrait parler de Dans tes rêves avec Disiz et de Black avec MC Jean Gabin, mais avec respectivement 5,3 et 3.2 Millions d'€ de budget on s'écarte un peu du street film. 

Amateurs oui, mais pas dénués d'idées. Je ne porterais pas la veste du critique cinématographique, je ne l'ai pas.
Mais je vois ces films comme des clips plus long, beaucoup plus long. En effet, ces films ont tous une bande son particulière. Comme tout les films me direz vous, mais nous parlons ici de films-albums, qui est un concept intéressant quelques soit la thématique surtout lorsqu'il s'agit de films à petit budget puisque c'est souvent là où les moyens sont limités qu'on trouve le plus de créativité, la preuve :



En 2003, Doc. K, Fredo et K. Fear de La Brigade co-scénarisent et jouent dans le Cercle de la haine. Ce film suit 3 jeunes de banlieues persuadés que la violence leurs permettra d'être respectés. Le film est accompagné d'un documentaire faisant intervenir Kool ShenJoey StarrBoobaLinoCalboPit BaccardiDieudonnéOl' Kainry,KamnouzeDon ChoaSopranoLady LaisteeThe BeatnutsRoyce da 5'9"Joe DaltonAlain FiglarzGérard Depardieu

Le Cercle de la haine est intéressant tant sur le fond que sur la forme. Il ne s'agit plus d'incarner son propre rôle mais de diffuser un message, accompagné d'un très bon album. La synergie entre le film et l'album rend le tout très cohérent.


Hamé et Ekoué de La Rumeur ont quant à eux co-écrit une série constitué de 3 épisodes nommée "De l'encre..". Diffusée sur Canal +, cette fiction racontant les déboires d'une jeune rappeuse amenée à prostituer sa plume à l'industrie. A travers cette fiction on y retrouve cependant des résonances du parcours du groupe telles que les différents compromis proposé au rappeurs dit "authentique" par l'industrie, et des coulisses des grands médias hip-hop. A travers des personnages et un background fictif, La Rumeur arrive néanmoins à transmettre une idée très proche de leurs univers.

Ecrit et réalisé par Akhenaton et Kamel Saleh ( réalisateur du clip de "Demain c'est loin" et "Né sous la même étoile" ), "Comme un aimant" est inspiré du son "L'aimant" d'IAM

Véritable photographie de l'époque, le film fut très bien accueilli par la critique et par le public.
La bande son du film est impressionnante, on y retrouve notamment Talib Kweli !




Le "Conte de la frustration" est le dernir film co-réalisé par Akhenaton. Suivant un personnage sombrant dans la noirceur, ce téléfilm diffusé sur France Télévision et accompagné d'un album s'écarte plutôt des attentes que l'on pouvait avoir de la part d'un rappeur, dans les thèmes, la mise en scène et les personnages.

Un rappeur est un artiste et  à chaque création il se voit associé à certains codes culturels, à un certain public. Ce public et ces codes peuvent brider la carrière d'un artiste puisqu'une fois que tu en as cerné les attentes il peut être difficile d'essayer quelque chose de nouveau. Sur le sujet, Solaar dira qu'il ne veut pas être mis dans une case et c'est pourquoi il s’évertuait à diversifier un maximum ses morceaux. Mais le cas de Joey Starr, par exemple, est bien différent puis qu'il est passé du rap au ciné tout en souhaitant, j'en ai l'impression, garder la même image.


Devenu acteur, parfois incarnant des rôles éloignés de l'image que l'on avait de lui, Joey Starr fait maintenant partie du paysage cinématographique français. Il serait intéressant d'analyser l'évolution de son public à travers les années. Serait-ce seulement des fans de la première heure qui ont vieillis ? Ou viennent s'y ajouter ceux qui furent bluffés par son jeu d'acteur ? On pourrait également se poser la question suivante : Pourquoi à t'il garder son pseudonyme de rappeur ?

Le rap est un milieu dans lequel on a rapidement fait de lyncher les collaborateurs du système et de l'industrie et le cinéma en est une bonne représentation. Peut-être est-ce une des raisons pour laquelle les street films ne s'aventurent pas trop hors de l' univers des artistes, par peur de décevoir le public. Et c'est dommage.

 Nekfeu dit dans son dernier son "le public c'est des profs de sport, ils te disent quoi faire mais ce n'est pas eux qui font des tours de terrains". 


La fin approchant, je sens maintenant le dernier sujet de cet article venir.
Devrais-je en parler longuement ou simplement le mentionner ?

 Je ne pense pas m'étendre sur ce film.

Rap intégral - Au plus profond du rap francais

Une production Marc Dorcel, je ne l'ai pas vu, je ne suis donc pas certain que Oxmo, Zoxea, Driver et les autres ne soient présent qu'uniquement dans la bande son.


Voilà les extraits que j'ai pu trouver ( pour un public averti ) :

Zoxea, Oxmo Puccino, Driver et le fameux Nibar bar





Merci,

On est actif ici : https://www.facebook.com/Phase2rap

A la prochaine !

samedi 24 août 2013

Le hip hop japonais #3 : L'intégration du hip hop à la société japonaise


Dj Krush 


Dernière partie sur le hip hop japonais, j'aborderai ici les facteurs socio-psychologique propices  à l'adoption de la culture hip hop par la jeunesse japonaise. 

Pour conclure sur ce thème, je met à votre disposition la discographie de Dj Krush, Dj pionnier du mouvement hip hop japonais. Vous trouverez le lien de téléchargement ici

Si vous avez manqué les deux premières parties, c'est ici : 






Les motivations sociales propices à l'adoption du hip hop

L'adoption d'une culture étrangère par une société requiert des motivations sociales particulières. Si, initialement, celles-ci n'étaient que commerciales, la réalité socio-économique japonaise ainsi que certains facteurs psychologique chez les jeunes japonais ont permis de nourrir et développer la culture hip hop dans le pays.

Au début du 21ème siècle, la génération issu du boom démographique des années 1980 a fait face à des difficultés économiques importante. Chômage et récession ont amenés la jeunesse japonaise à s'écarter de l'idéal propre à la classe moyenne, à savoir qu'une bonne éducation serait la garantie d'un bon travail.

Difficultés économique, manque de communication inter-générationnel et un environnement familial instable pourraient être les déclencheurs de problèmes psychologique et émotif. La plupart des parents japonais n'ont quasiment pas de temps à consacrer à leurs enfants, étant pleinement dévoué à leur entreprise. Un enfant sans parent à qui se confier pourra à long terme se sentir négligé, ignoré et stressé. Le seul moyen de retrouver un simili d'environnement familial sera d'intégrer un groupe.

De plus, la compétition féroce et les difficultés scolaire peuvent être des facteurs de stress important. Dès le plus jeune âge, les enfants doivent se démarquer de leurs pairs afin d'intégrer des institutions scolaires réputés. Stress, frustration et échec scolaire sont les principales causes de suicide chez la jeunesse japonaise.    
           
Les règles, standards et obligations des écoles imposent de sévères contraintes aux écoliers. De l'enfance à l'adolescence il n'est pas permis d'avoir un comportement individuel. En effet, ils sont éduqués, entraînés et préparés à devenir des composants de groupes particulier ou de communautés. Dans la plupart des écoles, l'uniforme est obligatoire et le matériel utilisé est pour tous le même. Il arrive également que la bijouterie, le maquillage ou le moindre effet personnel soit interdit. Au fil des années, de nombreux japonais ont commencés à sentir que leur liberté et leur individualité était remise en cause, voir supprimé. Par la suite, de nombreux jeunes japonais sont sortis du système scolaire afin de profiter d'une vie sans ces obligations.

Ces facteurs socio-économique et psychologique, parmi d'autres, pourraient être la source de l'adoption du hip hop par les artistes japonais, en réponse aux intérêts et besoins des jeunes générations.


 Hip hop : reflet de la réalité et des besoins socio-psychologiques des jeunes japonais


Le hip hop en tant que que moyen d'expression libre à très fortement influencé la jeunesse japonaise, et cette influence reflète la réalité et les besoins socio-psychologiques. Les conséquences de cette influence sont observables à travers plusieurs aspects. Les artistes japonais utilisent désormais le hip hop comme un outil pour défendre les jeunes japonais dans ses rapports au gouvernement, à la société de crédit, traditionnel et sur les libertés individuelles. 

Utamaru écrit, lui, au sujet du gouvernement japonais, le décrivant comme un sanctuaire impérial clos, derrière un mur épais et complètement pourris. Sa vision reflète l'attitude de la jeunesse japonaise à l'encontre du gouvernement et de la société dans sa globalité.



Dj Oasis feat Utamaru - Society's windows

"If left alone, it’s a cancer on the world
do you want to make such a strong stench?
I can’t understand you, you shitty old men
entrusted with the textbooks,
you make up a smoldering fantasy
on the pretext of representing Japan’s “pride
huh? I misheard you, you must mean“blind.”

Source : le travail de Ian Condry



Shakkazombie feat Gore-Tex, Suiken, Dabo, Macka-Chin

"As terror comes down on the earth it strikes down with a vengeance so strong 
It can kill all that stands 
The ashes of that which once was is all gone and the bringer of darkness is 
brought forth in the sky 
A black aura of golden evil is taking the shape of a globe just like ages 
ago 
Travelling in a dimension away it will create the end for this retarded race"



Merci ! 

N'hésitez pas à partager les articles et nous rejoindre ici, on met du son ou d'autres trucs intéressants ou drôle.






mardi 30 juillet 2013

Le hip hop japonais #2 : influence américaine : assimilation et émancipation

King Ghidrah (Ghidrah est un dragon géant à trois tête issues de plusieurs films de Kaijû japonais)
Cet article fait suite à l'historique du hip hop japonais

L'influence américaine : assimilation et émancipation

A une époque où les médias et les produits américains influencent le monde entier, une question importante s'est posée : Quelles sont les effets de cette globalisation  ?

Pour certains rappeurs japonais, comme ceux du groupe King Ghidrah (cf photo au dessus), cette influence presque forcée implique une dégradation de la culture japonaise. Le hip hop américain ne serait pas compatible avec la culture japonaise puisque qu'il est né et s'est développé dans un contexte radicalement différent. C'est en s'émancipant de la culture américaine que le hip hop japonais deviendra pertinent. Cette idée s'exprime dans ce son de Kohei Japan :




Ici l'Emcee joue sur l'idée de la dissociation des différentes cultures, américaines et nippones, en comparant leurs alimentations ( il mange "du riz, pas de pain, du poisson, pas de viandes). Le texte en entier est une métaphore filée des saveurs de sa musique, qui, à la manière de la cuisine japonaise, se distingue de la culture américaine.


Commercial ou underground ? 

En 1994, Scha Dara Parr, un des groupes pionniers, connu le succès en s'associant avec un guitariste pop. Après des millions de single vendues, le hip hop éveilla l'intérêt des maisons de disques. Cet intérêt fit naître un débat autour de la nature du hip hop japonais, de ce qu'il devrait être. Doit il être orienté pop, tournant autour de la fête et de la démesure pour toucher la jeunesse japonaise ? Ou doit il suivre la ligne protestataire du rap afro-américains et en dégager une culture hip hop spécifiquement japonaise plus hardcore et underground ? Lequel serait le plus réel ?

Pour le groupe King Giddra, le choix est fait : 


King Giddra (1995) "Bullet of Truth"

MC Zeebra et K Dub Shine sont convaincus de la nécessité pour le hip hop d'être le porte voix de la société japonaise. Dans "Bullet of Truth", le groupe évoque le système éducatif japonais en l'accusant d'écraser les rêves des enfants, à la manière des médias omniprésents faisant la publicité du sexe et de la violence. Ceci menant à une sorte de contrôle mental.

"La société de crédit écrase même les rêves des enfants, c'est une bonne chose ?
Mais les choses changent, non ?
Et toi tu la fermes et tu te contentes de regarder ?
Le sondage de cette année chez les étudiants
dit que presque 1/4 d'entre eux n'à toujours pas de travail.
Sérieusement, il n'y a rien de plus qu'une discussion vide" 

(traduction approximative)



King Giddra (2002) "911"

Dans ce son, le groupe met en parallèle deux période, l'explosion atomique de 1945 et les attentats du 11 Septembre en appelant à la prudence et à la réflexion sur les actions américaines aux moyen-orients.


Si vous souhaitez creuser un peu plus le sujet, je conseille ces vidéos, à la rencontre de la culture hip hop japonaise il y a 10 ans :


 et la suite ici


Dans la prochaine et dernière partie, je m'intéresserai aux conditions sociales propices à l'adoption du hip hop par la société japonaise.

Merci, on est toujours

samedi 27 juillet 2013

Le hip hop japonais #1 : Historique




Dans les médias spécialisés, on entend très peu parler du hip hop japonais en général. Pourtant, ce genre s'est très bien intégré à la culture nipponne et à vu naître des artistes talentueux et mondialement reconnus. De plus, il serait intéressant d'écouter (j’entends par là comprendre)
le rap japonais puisque la culture de ce pays est très différente de la notre et les thèmes qui pourrait être abordés dans les textes ne peuvent qu'être différent (pas d'immigration, un sens commun religieux moins politique et un déterminisme social plus prononcé) 


Un historique du hip hop japonais


Le contexte, la conjoncture, les cultures dominantes et l’histoire du japon fournissent un cadre particulier à la naissance de la culture Hip Hop. Bien qu’importé des états unis par Hiroshi Fujiwara, les japonais ont assimilé cette culture pour ensuite lui donner une évolution propre.
Le hip hop japonais aurait (aurait*, parce que le peu d'infos trouvées n'offrent pas plusieurs versions de l'histoire) donc été amené au Japon par Hiroshi Fujiwara.
Hiroshi Fujiwara est le parrain de la culture de Harajuku, qui est un quartier de Tokyo qui réunit les « avant gardistes » de la mode japonaise, cosplayer, gothique, emo. C’est une place sociale importante, un lieu de création mais aussi un lieu très commerçant.
Ce quartier à une histoire particulière étant donné que c’est anciennement un quartier d’occupation américaine. Des soldats mais aussi des civils y habitaient. A l’époque de nombreux jeunes japonais s’y rendaient, curieux, arpentant les magasins qui ciblaient la classe bourgeoise japonaise et américaine.
A la fin de l’occupation américaine, les quartiers désertés furent investis par les designers de mode, les artistes,  les photographes..
Harajuku compte 2 rues principalement commerçantes, appelées les champs élysées de Tokyo.
Les jeunes qui traînent dans ce quartier sont appelés les « tribus » d’harajuku et veulent se distinguer en développant une culture communautaire marginal, parfois rebelle.  En effet, il y a par exemple le mouvement des « Blackfaced » qui se rebelle vis-à-vis de l’idéal de beauté traditionnel japonais qu’est le teint pâle et les cheveux noirs en se noircissant le visage et s’éclaircissant les cheveux. (influences afro-américaines, proche du cliché californien).


Le style Ganguro, assez soft ici
C’est dans le secteur de Ura-Hara, toujours dans le quartier d’Harajuku, que se réunissent les gens issus culture Hip Hop. Cette communauté s’oppose à l’autre, vivant plus caché et étant plus reservé.

C’est donc dans ce quartier qu’Hiroshi Fujiwara, parrain de la culture Harajuku, aurait commencé à passer des disques de Hip Hop au début des années 1980. Aujourd’hui, le HH est un des genres commerciales connaissant le plus de succès au Japon. La frontière avec la Pop y est souvent flou.
Un peu moins ici
A son début, le HH et sa culture était plutôt modeste et informel. Bien que déclencheurs d’un mouvement culturel important, il n’y avait pas d’intérêt pour le Hip Hop de la part des maisons de disques et de l’industrie musicale japonaise en général.
En 1983, c’est le break dance qui connait un essor. Shows, live, films, influences américaines, popularisent le break dance, laissant le DJing et le rap plus en retrait.


Takagi Kan, Acteur hip hop de la 1ère génération sur le break dance :


« Danser à un impact visuel que tout le monde peut recevoir, comprendre. Quand viens le temps de danser, il n’y a plus de barrière du langage. Le break dance à servit de base pour diffuser la culture hip hop au Japon. »

Des artistes de rue commencèrent à se réunir dans le parc Yoyogi, dont Dj Krush. L'avènement des Djs japonais fût la seconde étape du développement de la scène hip hop japonaise, ce qui conduit à l'ouverture d'un premier club hip hop en 1986, à Shibuya. Il faudra attendre 1994/1995 pour que le rap connaisse un succès commercial notable avec des groupes comme Scha Dara Parr.


Depuis les années 2000, la scène hip hop japonaise à grandit et s'est diversifiée. Le rap et la culture hip hop dans sa globalité ont connus un succès commercial important. De ce fait le hip hop est devenu un style musicale populaire et l'un des plus commercialement viable. Un nombre important de scène hip hop se sont développées, du rap/rock au "hardcore gangsta", spokenword/poésie, rap/techno, rap antigouvernemental, pro-marijuana, rap Heavy metal et ainsi de suite.
En parallèle s'opéra un tournant dans la culture hip hop japonaise lorsque quelques artistes se sont concentrés sur des faits psychosociologiques propres à la société japonaise, se détachant ainsi des thèmes souvent copiés au hip hop américain.



Le sujet étant vaste, il y aura plusieurs parties. L'article suivant : l'influence américaine sur le hip hop japonais et l'émancipation de cette influence.



Merci de votre attention !

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